Dans un train

Maruv s'était téléportés dans les toilletes, puis avait rejoint le wagon restaurant. il était boulversé par la nouvelle de Lesgher. il ne pensait plus qu'à une seule chose. OUBLIER. Oublier de qui il était issu. Il était assis à une table et une serveuse vint prendre sa commande.

"Souhaitez vous un apéritif?
-Oui, une bouteille de Whisky
-Vous êtres sûr de vouloir UNE bouteille?
-Oui, d'ailleurs je ne vais pas manger;"

La serveuse reparti avec un air étonné. Elle revint quelques minutes plus tard, avec une bouteille de Whisky et un verre. Maruv attrapa la bouteille et commença à boire, au goulot. La serveuse le fixa encore plus étonné.

Une petite silhouette se glissa hors d'un compartiment et se faufila derrière l'homme qui sortait des toilettes. Il la dépassait d'un bon demi-mètre, mais elle ne se sentait absolument pas intimidé.

Elle, Clio Abribeth Threnott d'Aezwen.

Elle le regarda entrer dans le wagon-restaurant. Elle hésita un instant, et regarda sa tenue. Corsage noir aux manches ballon bordées de dentelles, jupe qui lui arrivait aux genoux, noire, passée par-dessus plusieurs jupons blancs, bas blancs et chaussures vernies noires. Cette tenue, complétée par de courts gants blancs, avait sur elle un aspect résolument glauque, ressortant sur sa peau pâle.

Clio fit la moue. Oh, elle pouvait bien faire peur à une petite assemblée juste pour rire. Elle n'avait pas de parents pour la gronder, maintenant qu'elle s'était évadée de l'orphelinat.

Une entreprise très simple... il avait suffi de transformer le garde en bout de bois et de réduire la porte à l'état de copeaux. Elle était sortie de nuit, n'emportant rien, et savait que son évasion ferait couler beaucoup d'encre... elle s'en réjouissait d'avance.

Elle se jucha sur un tabouret non loin de Maruv et fit à la serveuse :

Sers-moi une vodka.

"L'alcool est interdit de vente aux mineurs."

Clio leva les yeux au ciel d'une manière qui rappelait fortement son père, puis regarda la serveuse placide droit dans les yeux. Les siens devinrent entièrement blancs, d'un blanc brillant et hypnotisant. Elle reprit d'une voix lente et hypnotique :

Sers-moi une vodka, s'il te plaît.

La serveuse acquiesça et s'éclipsa, revenant rapidement avec sa vodka et le whisky de Maruv. Clio le reconnaissait, mais peut-être était-ce réciproque, après tout elle avait une tête de Vénus miniature... ah, Vénus... elle se réjouissait d'avance à l'idée de la retrouver, ainsi que Leshger... qu'elle tuerait de ses mains. Mais pour cela, il fallait passer à Antiaz, et elle comptait sur l'aide de Maruv.

Elle le regarda boire au goulot et émit un ricanement :

Je croyais qu'Antiaz avait plus de prestige,

Lança-t-elle à l'adresse du dieu... son oncle, du moins, elle le croyait. Oh, elle allait le manipuler facilement s'il était soûl. Un jeu d'enfant... cette pensée la fit s'esclaffer sous cape. Oui, il serait si simple de se faire rapatrier à Antiaz, de tuer son père, puis Maruv, puis les opposants, et de grimper sur le trône... elle n'avait décidément pas changé.

[Mawouv ! on se dépêche de répondre !]

Maruv regarda la petite fille d'un seul oeil. Elle lui rappellait vaguement quelqu'un..;non, deux personnes plutôt. Il sentait l'accol pénétrer dans son sang. Il se tourna entièrement vers Clio et approcha son visage de celui de la jeune fille. Lorsqu'il se mit à parler, une fortes odeur d'accol sortit de sa bouche.

"Ce n'est pas moi qui en ait le moins. Ce misérable lesghay par exemple. Il est tellement débile qu'il a tué la meilleur ami de sa femme. Alors elle s'est énervé...."

Il éclata d'un rire gras, qui résonna dans le wagon restaurant.

"Mais qui est-tu au fait, petite fille? Comment connais tu Antiaz? Sais tu au moins qui je suis? "

Il réattrapa sa bouteille et reprit un gorgée de Whisky

Le regard de Clio se teinta de dégoût en respirant la fétide haleine du dieu qui tenait plus à cet instant de la serpillère, une moue méprisante se dessinant sur son fin minois. Ses yeux noirs foudroyèrent Maruv et elle dit d'une voix d'où ne transpirait aucune odeur alcoolisée -alors qu'elle venait de boire une quantité de vodka appréciable pour une fillette de cinq ans :

Leshgay ? Tu veux sans doute parler de Leshger. Peut-être a-t-il tué mais au moins, lui, il connaît la signification du mot élégance...

Elle attira la bouteille de whisky de Maruv dans ses mains par kinésie et la transforma en une rose noire qu'elle piqua dans sa chevelure.

Mot qui apparemment ne t'es pas familier.

Le mépris... voilà bien la seule chose qu'on lui avait inculquée dans son orphelinat insalubre. Mépris de ce qui l'entourait, mépris de ceux qui lui étaient inférieurs. Maruv ne l'avait pas reconnue, sans doute à cause de l'alcool dans son sang... Sitôt retournée à Antiaz, elle le saignerait à bloc.

Elle rejeta une mèche de cheveux noirs derrière son épaule, un geste commun à sa mère, et regarda Maruv avec un petit sourire en coin, qui tenait cette fois plus de son père :

Tu ne m'as pas reconnue, Maruv ? Tu ne vois pas la léthargie dans laquelle sont tombés tous les voyageurs à mon entrée ? Tu es donc le seul à ne pas capter la tristesse que j'émets... Il est normal que tu ne voies pas qui je suis. Après tout, il est vrai que ma mère est censée m'avoir tuée. Vénus a toujours été trop gentille...

Son sourire s'élargit et devint réellement carnassier.

Peut-être a-t-elle fait une erreur. Toujours est-il que, même si tu ne m'as pas reconnue, j'ai besoin de toi pour repasser à Antiaz. Et vite. Tu n'as peut-être pour seule idée que d'ingérer le plus d'alcool possible, mais il y a plus important... le trône, Maruv.

Elle leva légèrement le menton. Et puis, quand elle passerait à Antiaz, elle cesserait d'avoir l'apparence d'une gamine, ce qui serait bien plus valorisant. Mais cela, elle le tut, Maruv n'avait pas à savoir que Clio était narcissique.

Je sais comment obtenir Antiaz, et tu vas m'y aider. Je ne crains pas mon père et sa colère, et tu n'en auras plus peur de même quand la victoire sera nôtre.

*Evidemment, puisque tu seras mort...*

Mais pour tout cela, il faut qu'on retourne à Antiaz. Tu m'aides ?

Sur sa dernière phrase, le ton était enfantin et suppliant. Mais intérieurement, elle riait de se sentir si bonne actrice... ça, elle le tenait de son père tant haï. Pourquoi, d'ailleurs, pourquoi tant de haine envers lui ? Et pas envers Vénus, qui pourtant l'avait abandonnée ? Elle se poserait ces questions plus tard, elle n'attendait plus qu'une réponse de Maruv. Et une réponse qui n'allait pas tarder, au risque de déchaîner la fureur de Clio...

Elle eut un reniflement de dédain, ainsi donc ce dont elle se doutait était vrai... Leshger, son père, était le père de tous les dieux. Quelle embrouille, Clio était vraiment dégoûtée... elle était la demi-soeur de tous les dieux, et ça, c'était... gerbant.

Elle fronça le nez, attendant qu'il s'écarte un peu, son haleine était insupportable pour un odorat aussi délicat que celui de Clio. Puis elle fit d'un ton douceureux :

Erreur, mon cher, c'est toi qui ne dis plus bonjour. Et c'est vrai, que tu es vieux.

Cette dernière phrase avait le ton de la plaisanterie, ce qui n'avait rien de commun chez Clio. Un sourire se dessina sur ses lèvres, qui pourtant n'allait pas avec la facétie : il était trop cruel.

Je sais ce qui s'est passé il y a cinq ans, je connais mon histoire. Comme tu vois mes ambitions n'ont pas changé, sauf que je vise plus haut. Mon grand-père n'était qu'un homme faible et hanté par l'idée de la mort, en revanche, mon père est le plus puissant des dieux et n'a pas à craindre le décès.

Elle se tapota un coin de la bouche avec son index, une moue pensive apparaissant sur son joli visage qui n'avait plus grand-chose d'enfantin.

Il n'a qu'un point faible et je le connais. Son ego démesuré est aussi quelque chose qui peut le perdre, mais ce qui l'atteindra surtout, c'est ma mère.

Elle réflechissait à voix haute mais ne s'en souciait guère. Il pouvait bien être au courant de la suite des évènements, il y serait étroitement lié. Et il n'aurait pas le choix, même s'il ne s'en rendrait pas compte.

Ce que je veux de toi ? Juste que tu m'amène à Antiaz et que tu m'aides à vaincre mon père, ou du moins, à le réduire à moins que rien. C'est possible. Après, quand le trône sera à nous, puisque je partagerai la gloire avec ceux qui m'auront aidé, tu te verras prendre sa place. Tu seras le plus puissant des dieux, Maruv, réfléchis-y...

Elle distillait ses paroles sur un plan télépathique, il serait bientôt persuadé qu'elle disait la vérité...

Clio regarda son demi-frère, elle se doutait qu'il voudrait la berner puisqu'elle-même comptait le faire. Elle devrait faire comme si elle ne se doutait de rien, et continuer son plan... oh, un jeu d'enfant.

Il n'y a pas que la serveuse qui nous cause problème. Regarde.

Elle lui montra du doigt le cuisinier qui sortait en trombe, furieux de voir tous ses clients assommés. Clio se laissa glisser au bas de son tabouret, la bouteille de whisky transformée en rose noire tombant de sa chevelure et se transformant en une flaque de sang quand elle eut touché le sol. Debout, elle arrivait un peu plus haut qu'à la taille de Maruv...

Quand elle serait à Antiaz, il en irait autrement. On lui avait dit que les enfants de dieux se développaient très rapidement, mais uniquement quand ils étaient dans le monde où ils étaient nés. Sur Terre, il était logique qu'elle ait l'apparence d'une enfant de cinq ans.

Le cuisinier se mit à s'époumoner contre Maruv et Clio, celle-ci le fit taire d'un geste. Il resta ébahi devant l'autorité naturelle qui émanait de cette fillette, assez longtemps pour qu'elle puisse le toucher et le transformer en la première chose qui lui passa à l'esprit...

Le cou du cuisinier devint rouge, un écarlate qui grimpa jusqu'à son front. La peau de son cou se mit à pendre, ses bras se plaquèrent contre son corps, son crâne devint chauve et sa peau se plissa, des plumes commencèrent à le recouvrir et il se transforma en... dindon.

Intéressant,

Murmura Clio en empoignant l'oiseau à la gorge, ne tenant aucun compte des cris de la pauvre bête. Elle l'amena à hauteur de ses yeux, puis, sans état d'âme, lui tordit le cou. Elle le jeta plus loin, puis fit à Maruv :

Bien, allons-y !

Elle attendit qu'il ouvre un passage et s'y engouffra la première, lui laissant le temps de passer avant de le refermer...

(suite à Antiaz, tu commence !)