l'Amphithéâtre

Surnommé "le Cirque" par ses occupants, l'amphi peut accueillir plusieurs centaines d'élèves.
Dans cette salle, on enseigne l'anthropologie, qui est une science proche de l'archéologie, sauf qu'on étudie les modes de vies des humains d'une ancienne époque. Les cours sont passionnants, et le professeur, M. Harcker, très sévère, mais très sympathique aussi.
Mais aujourd'hui, M. Harcker était absent. Il était remplacé par un grand homme aux cheveux châtain clair qui lui tombaient en travers du visage, aux yeux couleur émeraude. Les étudiantes déjà entrées étaient en adoration devant lui, tant il était beau. Il dégageait un charme immense.
Personne n'aurait pu deviner que ce charmant professeur était un dieu diabolique venu sur Terre ramener au bercail la femme de sa vie, même contre l'avis de celle-ci. Même Vénus n'aurait pu deviner que ce professeur était Leshger.
Quand tous les étudiants furent installés, l'hybride et Vénus incluses, il fit d'une voix envoûtante :

Bonjour... je remplace votre professeur, M. Harcker, pour une durée indetérminée. Pour commencer, je vais tester votre niveau... veuillez faire passer les sujets. Ce devoir sera noté et comptera dans la moyenne.

Les sourires béats des étudiantes charmées se transformèrent en grimaces dégoûtées. Leshger vit Vénus étouffer un rire en voyant les élèves dépités par le contrôle. En Terrienne, elle était aussi sublime qu'en Antiazienne, même s'il la préférait parée comme une reine. Il s'empêcha de sourire et écouta les plumes courir sur le papier, assis sur son bureau, feuilletant quelques papiers.

Leshger s'efforça de ne pas dévisager Vénus de manière trop insistante. Il reporta son attention sur la copie de la jeune femme, et plaça des lunettes sur son nez, d'un geste nonchalant et charmeur. Il savait que Vénus était brillante, mais là, sur sa copie, il n'y avait pas la moindre erreur. Il fit une moue impressionnée, et leva les yeux vers la jeune femme :

Mademoiselle, pourriez-vous venir me voir à la fin du cours ? Je voudrais vous parler au sujet de cette copie.

Il esquissa un sourire en voyant les tête maussades des autres étudiantes. Enfin, la sonnerie retentit, et les copies se posèrent en vrac sur le bureau du professeur. Les étudiants se précipitaient au dehors, c'était leur dernière heure de cours. Leshger regarda Karen faire un signe de la main à Vénus et sortir. Il se tourna vers la jeune femme et la détailla brièvement du regard. Le khôl lui allait à merveille.

Vénus, si je ne m'abuse ? Votre copie est excellente. Vous devriez faire carrière dans l'anthropologie.

Il regarda une fois de plus la copie et lui tendit avec un sourire.

Ce n'est pas très agréable pour parler, cet endroit... je vous invite à prendre un café, en tout bien, tout honneur ?

Il retira ses lunettes et replia les branches avant de les poser sur son bureau.

Elle le regarda avec intérêt, un intérêt aussi physique qu'intellectuel. Il était beau, et sympathique, semblait-il...

Je vous remercie. Je ne sais pas si je resterai longtemps ici, mon histoire est un peu complexe et je crois bien que je vais devoir passer ma vie à voyager autour du monde, donc je serai bien incapable de vous dire s'il serait possible que ma carrière professionnel se fasse dans l'anthropologie... mais vos compliments me touchent.

Elle sourit, un sourire lumineux et joyeux, comme elle n'en avait pas eu depuis cinq ans. Elle ne remarqua pas la façon étrange dont il la regardait à certains moments, elle était trop occupée à détailler sa copie. Tout juste ? C'était parfait...

Il voulait qu'ils aillent boire un café. Mais Vénus n'en avait pas vraiment envie, elle avait envie d'une promenade dans les rues. C'était l'hiver, et la nuit commençait déjà à tomber, bien qu'il fut six heures. Ils n'auraient qu'à aller dans un parc, c'était calme et ils pourraient y parler... elle le suggéra à son professeur :

J'ai mieux qu'un café, je dois me lever tôt demain, ce serait bête de ne pas dormir ! Allons à Hyde Park, à cette heure-ci c'est désert, on pourra parler tranquillement. Le cadre est plus sympathique !

Le professeur accepta, Vénus esquissa un sourire. Elle sortit avec lui de la salle, entendant des commentaires désobligeants à son passage, mais ça elle s'en moquait. Elle arrangea son étole sur ses épaules, lissa son pantalon, sans utilité aucune...

Il faisait totalement nuit, maintenant, dehors. La lune étincelait, magnifique. Cela ressemblait tellement à Antiaz, dans le parking de l'université, qui n'avait pourtant pas le charme de son pays... Vénus soupira. Elle ne se l'avouait pas, mais elle aimait Antiaz, et tous ses défauts....

Leshger suivit Vénus. Il n'aurait sans doute pas la patience d'attendre jusqu'à Hyde Park pour lui dire ce qu'il avait à lui dire... il essayait de deviner ses propres sentiments, ils ne savaient plus s'il l'aimait encore ou non, ou s'il la haïssait franchement. Si leurs regards se croisaient, il saurait...

La nuit était belle, mais la lune commençait à se voiler de lourds nuages noirs. Une pluie drue commençait à tomber sur le parking, obscurcissant leur vue. Vénus voulut se réfugier sous le préau, mais Leshger la retint par le bras, n'osant pas glisser un bras autour de sa taille. Elle se tourna vers lui avec un regard interrogatif, et il reprit son apparence réelle. Sachant la réaction qu'elle allait avoir, il plaça une main sur les lèvres de la jeune femme et la maintint fermement, afin qu'elle ne s'enfuie pas.

Vénus, je t'en prie, ne me crache pas d'horreurs à la face, je sais ce que tu penses de moi. J'ai des choses importantes à te dire, et j'aimerais que tu ne m'interrompes pas. Après, tu pourras me trucider si ça te chante, ok ?

Vénus acquiesça, et Leshger la lâcha. Il détourna les yeux, il n'aurait pas supporté de croiser ce regard empli de reproches. Et pourtant, il fallait qu'il sache... décidant de prendre le taureau par les cornes, il regarda la jeune femme droit dans les yeux, et à ce qu'il put analyser de ses battements de coeur effrénés, il était toujours prisonnier de l'enfer de l'amour.

Te rappelles-tu du jour où nous nous sommes rencontrés ? je t'ai montré les prophéties des Sybilles te concernant. Toutes, sauf deux... la première, tu la connais, elle traitait du destin funeste que tu aurais avant vingt ans. La seconde, est bien plus grave...

Plus grave, c'était un bien petit mot. Du choix de Vénus, rester sur terre ou revenir à Antiaz, dépendait le destin de tout un univers : cela aurait des répercutions partout.

Tu ne vas pas me croire, et tu vas penser que je fais ça pour que tu retournes à Antiaz, mais c'est totalement faux. Tu es l'incarnation de l'esprit maître d'Antiaz, et si tu ne reviens pas là-bas, le chaos sera encore pire, jusqu'à la destruction totale de cet univers. Je sais que ça peut paraître incroyable, mais je te jure sur mon honneur de dieu que je ne te mens pas.

Ses yeux reflètaient toute la sincérité qu'il était capable de donner, et aussi tout l'amour, mais cela il ne le faisait pas exprès. Il prit la main de Vénus dans la sienne et la serra doucement entre ses doigts. De l'autre main, il fit un grand geste, et une fenêtre montrant Antiaz apparut. Le ciel était un ciel de nuit, une brume incessante s'était levée.

Voilà ton monde sans toi, Vénus. C'est l'anarchie totale. Mes pouvoirs font des siennes, c'est le cas pour tout le monde. Tu vois, tous les arbres sont morts, la végétation est absente, il règne un souffle de mort. Est-ce cela que tu veux pour ton monde ? N'agis pas par égoïsme, Vénus, ce n'est pas ton genre...

Son ton était presque suppliant, il aimait son monde, même s'il en causait la destruction indirectement. Oh, comme il avait besoin d'ELLE... Elle pourrait le tempérer, elle était la seule à le pouvoir... Vénus.

Je ne veux pas te supplier... mais s'il le faut pour que tu sauves Antiaz, je le ferai. Pense à Leïla, pense à Chris, pense à tous ceux que tu aimes, ils subissent aussi ce Chaos !

Il espérait avoir réussi à la convaincre, sans trop d'espoir...

(poisson d'avril ? tepléééééééééé !)

Vénus était furieuse et désespérée, mais elle écouta Leshger sans mot dire, les mains sur les hanches, la tête baissée. Elle se mordillait la lèvre inférieure, ne sachant pas trop ce qu'elle devait répondre à cela.

Il était clair qu'elle devait choisir, mais elle voulait choisir tranquillement. Pourtant elle savait bien qu'elle devrait faire vite, très vite.

Les cheveux trempés, les vêtements collés à son corps, la pluie se mêlant à quelques larmes, elle jeta un regard à la fenêtre qui lui montrait son monde. Le monde où elle avait passé son enfance, où elle avait lutté pour sa patrie, où elle avait aimé... Elle releva le regard vers Leshger et y lut tout ce qu'elle aimait, tout ce qu'elle avait perdu pour fuir l'amour...pour se fuir elle-même, en quelque sorte. Elle murmura :

Tu n'imagines pas à quel point je te hais, Leshger...

Elle frissonna un moment de froid, avant de regarder à nouveau la fenêtre. Elle le croyait, en fait, elle s'en doutait déjà avant, mais c'était dur à admettre... elle se sentait perdue, comme un oisillon égaré...

Elle regarda une dernière fois son monde. Sa décision était prise...

Ok, je rentre... je suppose que je n'ai pas le temps de prévenir les autres...

Je te suis...

Elle s'approcha de lui, sentant son coeur battre à tout rompre mais n'en montrant rien, et ils se téléportèrent à Antiaz, où Vénus l'avait choisi... vers Leïla.