Après la bataille...

Une brume quasiment surnaturelle était sur Anseln, contrastant avec le soleil de Walhombre. Le galop d'un cheval sur les pavés de la ville était le seul bruit qu'on entendait. Les sabots s'arrêtèrent devant la Bibliothèque et le cheval hennit doucement.
Leshger descendit de sa monture et attira Vénus dans ses bras. Une pluie fine commençait à tomber, mais s'évapora pour grossir le brouillard. Le dieu, portant la jeune femme dans ses bras, entra dans l'ancienne bibliothèque. Il déposa doucement Vénus sur une chaise et attendit qu'elle sorte de son inconscience.
Elle avait été blessée au front, et un filet de sang coulait le long de son visage vers ses lèvres. Sa jambe formait un angle inquiétant...
Elle cligna des yeux et Leshger lui sourit

Tu te demandes où tu es, je parie... te voici dans l'ancienne bibliothèque d'Anseln.

Il se plaça derrière elle et caressa ses cheveux d'ébène

Te rappelles-tu ta promesse, mon amour ? J'ai gagné... tu t'es rendue...

Elle n'avait pas senti les cahots du voyage. D'une part, parce que Leshger guidait vraiment bien sa jument, et d'autre part, parce qu'elle était dans une bulle de coton d'où elle ne percevait rien, ni son, ni geste.
Elle s'éveilla d'un doux rêve, un rêve de quand elle était toute petite, dans le Jardin des Plantes de Beaversdam, son endroit préféré...
Et ce fut comme si la bulle éclatait brutalement. L'endroit poussiéreux, même sans que Leshger le lui dise, elle l'avait reconnu. La bibliothèque, elle la connaissait très bien...

P... pourquoi tu m'as a... amenée ici ?

Sa voix était faible et à peine audible. Elle bredouillait, n'arrivant presque pas à actionner ses cordes vocales. Elle tremblait, comme fiévreuse... elle entendit sa question au sujet de la promesse. Elle n'avait pas l'intention de la tenir, mais il la torturerait dans ce cas, et elle ne pourrait tenir...

Je... ta promesse tu te... la gardes !

Articula-t-elle difficilement, même en sachant ce qui allait lui arriver

Tu... n'as pas gagné ! j'ai... déclaré forfait...

Il la regarda, elle ne semblait vraiment pas bien. Comme si elle avait de la fièvre... Il posa ses deux mains sur les tempes de la jeune femme, laissant un fluide guérisseur s'écouler vers elle.

Je t'ai amenée ici pour que nous soyons seuls. Je ne veux pas avoir à te faire du mal, mais apparemment, tu ne me laisseras pas le choix.

Il laissa glissa sa main sur la gorge de la jeune femme comme il l'aurait fait d'un poignard. Il aimait sentir les frissons de Vénus et les infimes tremblements de sa peau nacrée.

Je sais que les armées de Bulthia se battent encore, mais d'après les rapports psychiques de mes soldats, ils sont presque vaincus. Il faudra t'y faire, mon amour, Antiaz est à moi !

Il laissa ses mains descendre le long des bras de Vénus et lui attrapa les poignets. Sa voix était à la fois tendre et menaçante, un effrayant contraste...

Elle sentit avec un peu de dégoût le fluide guérisseur de Leshger agir sur sa fièvre. Mais après, elle se sentait mieux et n'avait plus envie de vomir. Ainsi, il avait l'Ouest... il ne lui manquait que le Nord... Et, oui, Antiaz serait à lui. Vénus serra les poings à cette pensée et ne put s'empêcher de demander

Pourquoi ? Pourquoi moi ?

Elle eut un frisson quand Leshger passa sa main sur sa gorge, et le pire, c'est qu'elle adorait autant cela que lui... Elle émit un léger soupir. Elle le haïssait, de toute son âme, de tout son corps, et en même temps, éprouvait pour lui le pire des amours. Quand il lui saisit les poignets, elle ne fit que lever les yeux vers lui. Elle savait, par voyance, quelles tortures l'attendaient, et à chaque fois qu'elle y pensait, son sang ne faisait qu'un tour. Elle lutterait, jusqu'au bout, comme une reine... Comme la digne héritière des Threnott qu'elle était, comme la vraie reine d'Antiaz, comme la descendante légitime de la famille royale. Einaff n'était pas un usurpateur, de son temps, il était le dernier héritier de la dynastie des rois Threnott... Et maintenant, c'était elle... une trop lourde destinée pesait sur ses jeunes épaules qui n'avaient pas vécu d'enfance... Ou juste les cinq premières années...
Elle soupira et regarda droit devant elle, l'air majestueuse, comme une statue de marbre froide et impassible. Elle replia ses mains et les croisa sur sa poitrine, forçant Leshger à la lâcher. Elle ressemblait à ces figures de pharaons égyptiens qu'on trouve dans les pyramides, comme une statue d'Isis...

Il caressa la joue de la jeune femme avec douceur. Il déposa un baiser dans son cou et fit doucement

Pourquoi toi ? Tu oses le demander ? Parce que tu es la femme la plus belle, la plus intelligente, la plus courageuse, la plus sensible, la plus majestueuse de tout Antiaz, peut-être même de l'univers... et je n'ai pas cité toutes tes qualités... Je t'aime, c'est tout !

Il se plaça face à elle et l'obligea à le regarder dans les yeux.

Tu ne me crois certainement pas... Pourtant, je n'ai jamais été sincère avec qui que ce soit.

Il abaissa soudainement ses écrans mentaux, lui laissant voir la totalité de ses pensées... pensées tournées uniquement vers elle, et vers l'amour qu'il lui portait.

Je t'aime, Vénus. Et tu es la première femme au monde que j'aime réellement... Sechna, ce n'était que pour embêter Maruv. Toi... c'est différent.

Il n'avait pas remonté ses écrans mentaux. Il tenait à lui montrer qu'il ne mentait pas...

Elle le regarda dans les yeux, éberluée, ne s'attendant pas à cela. Elle se leva, et fit d'une voix douce

J'ai toujours cru que tu te servais de moi, que... que je n'étais que la clé pour accéder au trône d'Antiaz... mais...

Elle sourit, arrivant à peine à y croire. Elle passa une main sur la joue de Leshger, et sans trop savoir comment, se retrouva liée à lui par un baiser passionné. Elle y mettait tout l'amour qu'elle avait pour Leshger...

Malheureusement, fit-elle quand l'étreinte se termina, je ne peux accepter ta proposition... ce serait trahir Leïla... et Karen, et Alexandre... ce serait tous les trahir.

Elle regarda le dieu droit dans les yeux et posa sa tête sur le torse de Leshger. Elle l'aimait, elle le savait, et elle aurait tant aimé pouvoir être avec lui sur le trône d'Antiaz...

Une tornade enflammée apparut dans la pièce, se resserrant, dessinant peu à peu une silhouette des plus féminines, aux courbes alléchantes. Un vent violent se dégageait de la tornade, balayant tous les papiers qui traînaient au sol, tandis que dans le visage de feu étaient apparus deux yeux d'un blanc lumineux. Finalement, des lèvres se dessinèrent sur la face enflammée et une voix gutturale retentit

Leshger, mère est dans un coma profond, et l'autre est mort... Ma mission est accomplie... mais je n'ai pas fini !

Un cri rauque s'éleva de la gorge de feu et la déesse se jeta sur Vénus. Elle la ceintura violemment, arrachant un cri de douleur à la jeune femme, et fit

Je vais lui donner une petite leçon...

Elle laissa échapper un rire diabolique avant de disparaître...

(bon bah suite au cimetière... )